Réaction à une publication sur Instagram intitulée
"Troubles psychiques. Le travail, c'est la santé vous dites ?" De Lucie ptit lu et Comme des fous
https://www.instagram.com/p/C76-ytWicUz/?igsh=OWxzanY0bW9jOGg5
Bonsoir Lucie
Ton témoignage est très important ! Bravo pour ton courage à dire les choses haut et fort ! Il y a tant de choses à dire sur le sujet.
Déjà j'aimerais clarifier un point. La définition de la santé mentale selon l'OMS est ultralibérale ! La voici : "Selon l'OMS, la santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d'être en mesure d'apporter une contribution à la communauté »."
Est-ce que ça veut dire que si on n'est pas "productif" , on n'apporte rien à la société ? Rien n'est plus faux ! Lorsqu'on a vécu des traumatismes, lorsque la maladie psychique affecte la pensée, l'humeur ou le comportement d'une personne, et lui cause de la détresse ou de la souffrance, lorsque la symptomatologie est instable, lorsque les effets secondaires des traitements affectent lourdement l'énergie, créent des déséquilibres et affectent les capacités d'attention, de mémorisation, d'organisation du temps, il est vrai qu'il est extrêmement compliqué d'avoir un travail rémunéré.
Et bien sûr, lorsque l'organisation du travail est basée sur la performance, le rendement, la production, lorsque les heures sup augmentent, lorsque les droits sociaux reculent, on se retrouve avec des dépressions et des burnout dans toutes les entreprises et au sein de la fonction publique !
Là on voit qu'on a un problème non seulement de reconnaissance du handicap psychique dans le milieu professionnel mais aussi du caractère ultra compétitif et ultralibéral de productivité dans un système de mondialisation.
Je citerai un article très intéressant "Handicap psychique : une navigation encore difficile dans le monde du travail" paru dans The Conversation
"les personnes en situation de handicap psychique sont conscientes de leur incapacité à se conformer aux normes du groupe dominant (les personnes sans handicap psychique). Elles vont tenter de s’y adapter, plutôt que de demander au marché du travail d’intégrer leurs spécificités. Ce manque d’adaptation constitue, au sens de Bourdieu, une forme de « violence symbolique » envers ces personnes.
« Je ne peux pas m’adapter au monde du travail et ils ne s’adapteront pas à moi, alors je suppose que je suis juste laissé de côté. »"
https://theconversation.com/handicap-psychique-une-navigation-encore-difficile-dans-le-monde-du-travail-190778
Il y a donc la stigmatisation mais aussi l'auto-stigmatisation …
J'aimerais également soulever la question de la différenciation de traitement entre le handicap psychique et le handicap mental ou physique. Il semblerait que l'on ne demanderait pas de performer aux personnes porteuses de ces différents handicaps de la même manière. Peut-être parce que le handicap psychique est souvent invisible jusqu'à ce que la personne s'effondre totalement épuisée !
Et puis évidemment la question de l'allocation adulte handicapé ou la pension d'invalidité. Si tu as perdu l'usage de tes jambes par exemple dans un accident, est-ce qu'on te ferait remarquer que tu es un poids pour la société et que tu profites du système ou que tu n'as pas droit à un poste adapté ?
J'ai travaillé pendant 40 ans sans savoir pendant de nombreuses années que j'avais un trouble bipolaire diagnostiqué tardivement. Mes "performances" étaient très inégales durant ma carrière. Les épisodes maniaques boostaient l'énergie mais aussi l'irritabilité. Les épisodes dépressifs causaient une énorme fatigue et des arrêts de travail. Les collègues ne connaissaient pas mon diagnostic. Ils pensaient que c'était compliqué parfois de travailler en équipe avec moi, ou que j'étais tire-au-flanc... Les dix dernières années ont été les plus difficiles avec la fatigue induite par les effets secondaires des traitements et la dégradation de mon état de santé. Certains de mes rapports de "performance" et d'appréciation étaient désastreux et impitoyables ! À la fin, on m'a rétrogradée en me confiant des tâches ne relevant pas de mon niveau de compétence ce qui représente une lourde sanction alors que mes capacités et mon expérience ne le justifiaient pas. J'ai été mise en invalidité à l'âge de 58 ans.
Je ne suis pas amère. Lorsqu'on me dit : "Tu fais quoi dans la vie ?" Je réponds que je fais de mon mieux !
Ma fille qui a un trouble schizo-affectif a travaillé pendant 7 ans avec de grandes difficultés. Je suis fière d'elle ! Elle a été mise en invalidité à l'âge de 29 ans. Je considère que ma fille a tellement à apporter à la société, au monde avec toute son empathie, sa gentillesse et sa détermination à lutter contre la stigmatisation des personnes vivant avec un trouble psychique !
Il y a tant de manières d'être dans ce monde ! L'art et la créativité seront certainement salvateurs pour les personnes vivant avec une singularité psychique mais pas que... L'inclusion sociale dans tous les domaines est nécessaire !
Autrice : Bipolaire On Air
#handicappsychique #troublespsychiques #travail
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