Accéder au contenu principal

🍇Souvenirs d'enfance en Gironde

 🖼️ Ma mère m'a mise au monde

Dans sa chambre à la maison 

Elle parlait souvent

Des douleurs de l'enfantement

Sans anesthésie

Dans les années cinquante 

J'ai vu le jour

Au son de ses hurlements


Ma grand-mère travaillait

Dans les vignes derrière la maison 

Et me posait sur un sac en jute

Pendant qu'elle pliait les astes 

Ou épamprait les pieds de vigne

Puis on rentrait

Et elle me mettait au sein

De ma mère 

Enfin c'est ce qu'elle m'a raconté 


Il n'y avait pas le temps

Pour des câlins 

La vie était rude en ces temps-là 

Toute petite je m'amusais

Avec les poules et les canards

La cabane à lapins était mon refuge

Loin des cris et des crises


À la campagne les animaux sont

Des bêtes un point c'est tout 

Je me souviens de mon grand-père

Donnant de la mort-aux-rats

À mon chat blessé par une voiture

Afin de lui épargner

Des souffrances inutiles

Selon lui


J'entends encore les miaulements 

Désespérés de ma chatte

Cherchant ses nouveaux-nés

Que mon oncle avait noyés

Dans le puits


Une fois mes grands-parents

Etaient partis dans les Pyrénées

Ma mère en avait profité

Pour m'emmener avec elle

Sur son vélo au bal du village 

J'avais trois ans 

Elle me posa sur un banc

Pour aller danser avec un homme 

Je la regardais effrayée 

Se déhancher

Au son du cha cha cha


Ma grand-mère criait souvent

À l'aide dans le chemin menant

À l'atelier de menuiserie

De mon grand-père 

Tout le monde accourait

On appelait une ambulance

Pour l'emmener à l'hôpital 

Les hommes avaient toutes les 

Peines du monde à la restreindre

Ses forces étaient décuplées

Par l'hystérie 


À quatre ans on m'emmenait la voir

À l'hôpital psychiatrique

Les infirmières me donnaient

Pour m'amuser

Des petits flacons

Vidés de leurs médicaments

En attendant

Qu'on fasse les électrochocs

À ma mère 

Qui ressortait hagarde

Sans me reconnaître 

En sortant

Mon grand-père m'achetait

Des bananes noires 

À l'épicerie du coin

Je déteste encore les fruits mûrs 


Les repas de famille étaient 

L'occasion de se disputer

Mes grands-parents montaient

À l'étage au-dessus

Où nous habitions

Ma mère était déjà bien énervée 

Après avoir cuisiné l'entrecôte

Sur les sarments de vigne

Et le dîner se terminait

Par des échanges houleux

Pour n'importe quelle raison

Dans les vapeurs de cognac

Et la fumée de gitanes papier maïs 


Que dire de mon effroi

Quand mes parents

Et mes grands-parents

M'ont demandé

Si le plat du dimanche était bon

C'était mon lapin Fifi

Dont je m'occupais tous les jours


Parfois, j'accompagnais ma mère

Au manoir des châtelains du village 

Où elle faisait le ménage 

Je m'asseyais

Dans le grand escalier 

En admiration

Devant les magnifiques tentures

Le piano et les vases précieux 


Et puis il y avait l'école élémentaire 

Je m'inventais une vie 

Je recopiais avec application

Les jolies lettres à l'encre de Chine

La maîtresse m'aimait bien 

Sur le chemin je cueillais

Des boutons d'or

Et les disposais dans un pot

Sur son bureau 

Elle avait l'air contente 


J'ai lu très tôt 

Mon père me rapportait 

Un livre de la bibliothèque rose

Tous les soirs après son boulot

J'attendais son retour

Avec impatience 

Il rentrait sur sa mobylette 

Du papier journal sur le torse

Pour lui tenir chaud l'hiver 

Sous ses vêtements imperméables 


J'aimais mon père 

C'était un homme courageux

Et intelligent 

Il était peintre en bâtiments 

Il travaillait dur


Le soir et le dimanche 

J'avais le droit d'aller au grenier 

Regarder les trains passer

À travers la ville miniature

Qu'il avait fabriquée

Avec des vieux cartons

C'était son hâvre de paix

J'avais le droit de remettre les trains 

En place lorsqu'ils déraillaient

Et de jouer avec les petites voitures

Autour des belles villas


Puis un jour 

Je fouillais curieuse dans les tiroirs 

Espérant trouver

Des vestiges du passé 

Des boutons, des rubans

Et des dentelles

Lorsque je tombai sur des papiers

Je ne compris pas tout de suite 

Ce qui était marqué 

Il était fait état du divorce

De mon père 

De la reconnaissance de paternité 

Je m'interrogeais


Mon père était arrivé un jour 

Comme un autre dans notre famille

J'avais quatre ans

Pour moi il faisait nul doute que

C'était mon père qui arrivait 

Finalement 


Alors ces papiers firent surgir

Des questions incompréhensibles 

Pour une si jeune enfant 

Oui j'avais assisté

Au mariage arrangé

De mes parents

Alors que j'avais quatre ans

Et mon nom de famille avait changé 

Mais j'étais bien trop petite

Pour comprendre

Le fin mot de l'histoire 


À la découverte

De ce livret de famille 

Les langues commencèrent

À se délier 

Tu sais ton père 

Ce n'est pas ton vrai père 

Ta mère a couché avec un gitan

Un soir de fête foraine en été


Puis ma mère me raconta

Qu'elle avait caché sa grossesse

Pendant cinq mois

Et que lorsqu'elle ne put plus

Et que son ventre s'arrondissait

À vue d'œil 

Mon grand-père la battit 

Mes grands-parents voulurent

Qu'elle fasse sauter

Cet enfant de bâtard

Mais il était bien trop tard

Ma mère m'avait sauvé la vie


Grandette je posai des questions

Au sujet de ma mère 

Qu'avait-elle

Pourquoi 

On me répétait qu'elle avait fait

Une encéphalite

À l'âge de quinze ans

Lors d'une opération de l'appendice 

Qui avait mal tourné

À sa sortie de coma

Elle avait commencé

À montrer des signes de folie

Comme on disait à l'époque 

Voilà c'était leur explication 


Un jour, je suivis ma mère au grenier 

Elle avait décidé

De se jeter par la fenêtre 

Je devais avoir douze ans

Je me souviens lui avoir dit

Vas-y, Saute


J'appris à la quarantaine passée 

À la lecture d'un rapport

Du psychiatre

À l'attention du Juge des tutelles

Qui m'avait été envoyé par erreur 

Qu'elle souffrait de

Schizophrénie paranoïde

J'aurais aimé que les psychiatres

Nous le disent bien avant 

Mais autrefois on ne se posait

Guère de questions 

Ma mère était folle 

Ce diagnostic leur suffisait


Je regrette tant

De n'avoir pas compris 

Plus tôt le mal qui la rongeait 

Je l'aurais chérie et protégée 

Je l'ai aimée malgré tout 

Mais pas assez


Autrice : Bipolaire On Air 


#schizophrenies #santementale

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

📖Crise de soi de Thierry Jobard : ma critique sur Babelio

Dans cet ouvrage, Thierry Jobard s'interroge sur l'illusion de l'affirmation de soi, source d'une soi-disant libération de l'« individu » à l'aune du succès du développement personnel, des évolutions du management puis de l'usage des réseaux sociaux. Remontant au siècle des Lumières, l'auteur rappelle cette volonté d'émancipation vis-à-vis des oppressions religieuses, politiques ou culturelles. Mais ce à quoi nous assistons aujourd'hui, affirme-t-il, c'est l'aliénation de l'individu par de puissants mécanismes de contrôle ! Le développement personnel, précise l'auteur, entend aider l'individu à libérer sa vraie nature, en s'affranchissant de pensées « limitantes et incapacitantes »  Thierry Jobard nous explique que dans un monde globalisé, dérégulé, l'autonomie, le total self-control devient le maître-mot et l'individu doit faire face à une nouvelle pression inédite se devant d'« être lui-même », d'«oser » ...

🎚️Mourir sans cause

Lorsque tu sais que tu as été vaincu par la maladie, par cette malédiction  Cette plaie ouverte qui n'arrive pas à se refermer  Lorsque ta famille est maudite Que la maladie mentale a planté ses flèches empoisonnées dans le dos de tous les humains de ta famille  Lorsque réciter Au nom du père, du fils et du Saint Esprit ne sert plus à rien  Lorsque tu sens tes forces s'épuiser, ton corps inerte Lorsque ton cerveau ne réagit même plus aux benzo, que ton cœur est lourd, si lourd qu'il t'empêche de respirer  Lorsque la dernière personne qui te parlait encore dans ta famille tous les six mois, te dit d'aller te faire soigner  Là tu comprends qu'il n'y a plus d'issue Y a-t-il un dieu quelque part qui a décidé que ce serait ta famille qui serait désignée Que ses membres devraient sombrer un par un, les uns après les autres  Sans salut, sans doute, sans espoir  Que c'était prévu, que ça faisait partie du plan  Qu'il n'y aurait pas d'argumentatio...

🤔Handicap psychique et travail

Réaction à une publication sur Instagram intitulée "Troubles psychiques. Le travail, c'est la santé vous dites ?" De Lucie ptit lu et Comme des fous https://www.instagram.com/p/C76-ytWicUz/?igsh=OWxzanY0bW9jOGg5 Bonsoir Lucie  Ton témoignage est très important ! Bravo pour ton courage à dire les choses haut et fort !  Il y a tant de choses à dire sur le sujet. Déjà j'aimerais clarifier un point. La définition de la santé mentale selon l'OMS est ultralibérale ! La voici : "Selon l'OMS, la santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d'être en mesure d'apporter une contribution à la communauté »."   Est-ce que ça veut dire que si on n'est pas "productif" , on n'apporte rien à la société ? Rien n'est plus faux ! Lorsqu'on a vécu des traumatismes, lorsque la maladie psychique...