J'ai reçu ce message sur la page Facebook Bipolaire On Air :
« C’est bien votre écriture… ça m’a aidé à comprendre mais pas fait de bien… vous semblez être vraiment dans le après… Ceux qui sont restés à vos côtés ont une bonne écriture eux aussi ? D’un amoureux d’une bipolaire 😭»
J'ai répondu simplement en faisant état des dures hospitalisations et de la stabilité relative aujourd'hui.
Mais voici ce que j'aurais aimé répondre :
Je n'essaie pas de faire du bien aux gens ! J'essaie de les informer sur les troubles bipolaires et sur la santé mentale en général ! Je ne suis pas un gourou ! Je suis juste quelqu'un qui a traversé des périodes marquées par l'engrenage de la folie et qui essaie toujours de garder la tête hors de l'eau !
Est-ce que je suis dans l'après ? L'après quoi au juste ?
L'après diagnostic ? La réponse se trouve dans ma publication épinglée sur Bipolaire On Air.
https://www.facebook.com/Bipolaireonair/
C'est sûr que j'ai fait du chemin depuis ma prise de conscience que je devais prendre ma santé mentale en main mais de là à dire que c'est facile, non !
Je discutais avec un ami cette après-midi et on disait que les gens, la famille ou autres ne comprennent pas la souffrance qu'on a vécue, la fatigue immense qu'on expérimente au quotidien et notre combat pour rester plus ou moins stable.
Alors oui on peut dire qu'on est stabilisé mais « La vie n'est pas un long fleuve tranquille » avec notre singularité psychique comme disait mon ami !
Est-ce que je suis dans l'après ?
Il faudrait parler avant tout du passé. Le mien a été traumatique avec une maman schizophrène, une mamie maniaco-dépressive, un papa adoptif perdu, beaucoup de violence à la maison, le monde psychiatrique omniprésent, une adolescence perturbée. Bienvenue en Folie Land ! Du coup, j'ai fui en Angleterre et tenté de me protéger. Je me suis mariée avec un britannique père de mes deux filles. Dépressions post-partum, états maniaques, mais aucune prise en charge à l'époque. En France, les membres de ma famille sombraient peu à peu dans les affres de la folie et l'abîme du désespoir. Je les ai tous perdus les uns après les autres.
Ma première hospitalisation en HP date du décès de mon père et il fallut 15 ans à la psychiatrie pour établir le diagnostic de bipolarité ! J'avais 56 ans ... C'est ce qu'on appelle l'errance diagnostique. L'errance diagnostique est la période au cours de laquelle un diagnostic se fait attendre, ou simplement l'absence d'un diagnostic pertinent.
Par contre, les psychiatres ont usé et abusé de puissants médicaments qui m'ont réduite à un état quasiment végétatif par périodes ou provoqué des décompensations psychotiques inquiétantes !
Ma bipolarité a empiré au fil des années. Entre 2000 et 2020, les dépressions et les états maniaques se sont multipliés, les hospitalisations en HDT aussi. La famille a trinqué ! Mise sous curatelle renforcée, divorce, mise en invalidité, fille aînée foudroyée par la pathologie psychiatrique, bouffées délirantes aigües. La vie familiale a été mise à rude épreuve. En 2017 tout a explosé !
Malgré tout, j'ai réussi à travailler pendant une dizaine d'années en Angleterre et 25 ans en France dans le domaine des droits de l'homme.
La pandémie de CoViD-19 nous a durement touchées ma fille et moi. Elle enfermée sans droit aux visites en psychiatrie enceinte puis avec son petit et moi seule désespérée. J'ai fait la connaissance de mon petit-fils à l'âge de six mois ! J'ai séjourné en clinique psychiatrique privée en 2020 en Haute-Savoie et l'année suivante dans le Haut-Rhin. L'anxiété m'avait happée dans un dense brouillard. Je suis parvenue à me rétablir tant bien que mal mais les fluctuations de mon humeur persistaient, les dosages de mes traitements évoluaient selon les périodes.
J'ai vécu tant bien que mal et survécu à bien des épreuves dans ma vie. Me voici presqu'au bout... Mon temps est précieux. Je suis désormais bien ancrée dans le présent avec tout ce que ça comporte comme problématiques. À chacun les siennes !
Aujourd'hui j'ai 64 ans. Ma santé physique décline. Problèmes de foie en partie liés à la prise d'antipsychotiques depuis de nombreuses années, problèmes cardiaques, problèmes de perte de mémoire, de concentration, manque d'énergie, bref ce n'est pas tout rose. Les comorbidités associées au trouble bipolaire sont nombreuses.
Alors je fais des efforts. J'ai arrêté l'alcool et le tabac. La bipolarité entraîne des addictions et vice versa parfois.
Je fais du sport sur ordonnance, du Qi Gong. C'est pas très cardio alors je vais devoir chercher un sport plus tonique, la natation peut-être.
Je fais attention à mon alimentation mais parfois je craque. C'est pas facile lorsque les traitements suppriment l'effet de satiété et font prendre du poids !
J'ai passé un hiver rude avec le covid et la grippe. Je vis seule mais je vois souvent ma fille aînée et son petit.
Et puis il y a les amis et les collègues !
Il y a ma psychiatre une fois par semaine.
Il y a les groupes de parole de l'Unafam ou les groupes Facebook dédiés.
J'ai toujours quelqu'un à qui parler.
Je me suis investie dans des activités bénévoles en santé mentale ce qui m'aide à rester active à la retraite.
Je vais beaucoup au cinéma, je fais de l'aquarelle et de la photo.
Je profite des magnifiques parcs à Strasbourg et me balade souvent.
J'écris et je lis.
Je reste curieuse du monde. C'est peut-être ça qui me maintient en vie...
L'après, c'est tout un programme pour rester stable !
Je ne peux pas donner de conseils généraux.
Un jeune qui vient de découvrir sa bipolarité n'aura pas forcément envie de suivre un traitement à vie.
Une personne très active professionnellement n'aura pas envie de mettre sa carrière en pause.
Une mère fera tout son possible pour « faire face » et supporter sa charge mentale jusqu'à épuisement.
Un conjoint.e, un parent, un enfant va essayer de tout faire pour soutenir son proche malgré la fatigue.
Le genre, l'âge, les origines, la culture, les traumas vécus dans l'enfance, les discriminations, le niveau de vie sociale, les capacités, le caractère, la personnalité, tant de facteurs nous différencient !
L'avant détermine aussi l'après !
Les manifestations de la maladie sont aussi diverses que les gens.
Il y a aussi ceux et celles qui n'ont pas supporté les coups de la vie et les assauts de la maladie et qui nous ont quittés. Ils ont fait preuve de courage, ils ont essayé et puis et puis ils ont abandonné meurtris ! Je les comprends. J'ai vu le gouffre béant s'ouvrir sous mes pas plusieurs fois. La vie a finalement triomphé alors je me dis que je suis là peut-être pour témoigner, pour vous dire que l'après est possible !
L'après est beau ! L'après est un arc-en-ciel dans un ciel serein ! 🌈 Mais la vie est de par sa nature aléatoire ! La météo est changeante et la vigilance s'impose...
Gardez espoir les amis !
Autrice : Bipolaire On Air
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