Issue d'une famille de paysans dans le Bordelais aux origines incertaines du côté paternel, j'entrai au CP à l'âge de 4 ans dans la petite école de mon village et appris à lire et à écrire en un mois.
À l'âge de 8 ans, je découvris avec stupéfaction en fouillant dans un vieux tiroir que mon père était en réalité mon père adoptif et que mon vrai père était un gitan de passage avec lequel ma mère avait passé la nuit à la fête foraine du village un soir d'été et qui avait disparu au petit jour avec les forains ! Le mystère de ma naissance restera irrésolu jusqu'à ce jour !
Jusqu'à mon entrée en sixième à l'âge de 10 ans, mon père adoptif m'offrit un livre par semaine, bibliothèque rose, puis rapidement verte.
En sixième, j'appris l'anglais et le latin, langue morte que j'abandonnai l'année suivante par manque d'intérêt.
En cinquième, je passai un test d'orientation qui détermina des capacités certaines en logique. Pourtant, mes résultats en maths restèrent très moyens. On m'orientera vers la filière français et langues avec allemand en deuxième langue.
En quatrième, ma vie familiale devint fort compliquée. Ma mère était toujours hospitalisée à Bordeaux en psychiatrie. Mon grand-père faisait des crises cardiaques à répétition et ma grand-mère dépression sur dépression. Mon père adoptif buvait beaucoup. J'annonçai à mon prof principal que je souhaitais devenir pépiniériste, lequel me répondit qu'au regard de mes capacités, ce serait dommage d'abandonner mes études ! Je redoublai ! Personne de ma famille depuis mon entrée au CP n'assistera à une réunion de parents d'élèves et ce jusqu'à la fin de mes études.
En troisième, je présentai un rapport sur les dangers de l'énergie nucléaire. Mes camarades écoutèrent sans grand intérêt ! La prof de sciences ne relèvera pas la performance. En 1974, personne ne s'intéressait à la protection de l'environnement !
J'entrai au lycée à un âge normal et continuai dans la filière littérature et espagnol en troisième langue. Ma vie à la maison empirait. Ma mère s'enfonçait toujours plus profondément dans sa schizophrénie.
En première, mon grand-père finit par succomber à une énième crise cardiaque. Ma grand-mère qui m'avait quasiment élevée sombrait encore plus bas dans la dépression. Je réussis mon BAC français mais redoublai mon année, mes autres résultats ayant chuté !
J'obtiendrai mon BAC philo avec 3 langues avec une mention passable ! Mes soucis familiaux, le manque de prise en charge psychologique auront eu un impact négatif sur toute ma scolarité. Néanmoins, je serai la seule de ma famille à avoir atteint ce niveau d'études !
Ne sachant que faire, et ma famille m'y poussant, je passai le concours de l'Ecole Normale de Bordeaux pour devenir institutrice. J'échouai de peu et m'inscrivis sans conviction en fac de psycho puis abandonnai. On me proposa de faire des études en interne à l'Ecole Normale tout en faisant des stages en maternelle.
En même temps, je pris des cours de pilotage d'avions de tourisme et effectuai plusieurs vols solo.
Déçue par l'Education Nationale, je quittai mes études au bout de deux ans.
Et là, sans perspectives, je fis des petits boulots et me retrouvai guide touristique à St Émilion, ce qui me donna l'idée de partir en Angleterre comme jeune fille au pair afin d'améliorer la pratique de la langue. En un mois, je parlais couramment et rencontrai l'homme qui devint mon mari !
Je m'installai au sud du pays au bord de la Manche et suivis des études de secrétariat. Je gagnerai plusieurs prix d'excellence et travaillerai comme secrétaire bilingue dans une maison d'éditions de livres scientifiques, puis à Eurotunnel à Londres à l'époque du creusement du Tunnel sous la Manche.
J'aurai deux enfants, des filles que j'élèverai seule sans aide familiale. Mon mari travaillait énormément. La France me manquait. Ma grand-mère mourut alors que j'étais enceinte de ma cadette. Deux dépressions post-partum non prises en charge !
Au bout de onze ans, je passerai un concours à Londres pour entrer dans une Organisation internationale à Strasbourg, que je réussirai brillamment en compétition avec des personnes dont l'anglais était la langue maternelle. Nous déménageâmes tous à Strasbourg.
Je perdis mon père adoptif en 1999 alors que je terminais une licence de sociologie par correspondance et fus hospitalisée pour la première fois pour dépression profonde.
Mon parcours en psychiatrie avait ainsi débuté ! Celui de ma mère s'acheva en 2006 par un arrêt cardiorespiratoire. Elle fut retrouvée morte, son corps dénudé, sur le sol de sa chambre à l'hôpital psychiatrique de Garderose à Libourne ! Mon cœur se brisa pour toujours...
Je serai diagnostiquée bipolaire à l'âge avancé de 56 ans ! Je serai ensuite placée sous curatelle renforcée, mise en invalidité après 40 ans d'activité, et subirai un divorce douloureux, la maladie mentale ayant précipité la faillite de mon mariage.
Ma fille aînée sera également diagnostiquée bipolaire après avoir subi une bouffée délirante aigüe et mise en invalidité, après 7 années d'activité professionnelle. Elle aura un petit garçon qui sera sa raison de vivre.
Ma fille cadette restée en Angleterre après ses études supérieures, partira s'établir en Australie où elle réside toujours.
En 2018, je passerai les tests du WAIS IV et obtiendrai des résultats bien au-delà de 130 dans certains domaines. Il est évident que la prise de neuroleptiques pendant plus de vingt ans ayant affecté ma capacité de concentration et de mémorisation, mes résultats auraient été différents à un âge moins avancé ! La psychologue me dira qu'il n'était pas utile de lisser les résultats mais que mes capacités hors norme m'avaient très certainement aidée à supporter les souffrances engendrées par la maladie mentale dans ma famille et affronter mes propres démons !
Aujourd'hui, je garde un esprit curieux et consacre une partie de mon temps à la déstigmatisation de la maladie mentale.
Autrice : Bipolaire On Air
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