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❤️Maman c'est moi

Est-ce que tu m'entends ?

Est-ce que tu continues d'être là ?

Moi je sens ta présence tous les jours 

Forcément quand je prends mes cachets 

Maman je regrette de n'avoir pas su t'aimer 

Tu me disais souvent 

Tu verras quand je ne serai plus là 

Tu me trouveras à dire


Désormais tu brilles par ton absence 

J'ai envie de croire à la protection des ancêtres 

Même si c'est scientifiquement non prouvé 

Pourquoi je dis ça 

Parce que je suis en train d'atteindre l'âge auquel maman est décédée 


C'est un véritable miracle d'avoir réchappé aux multiples prises de risques depuis mon adolescence 

Alors se peut-il que ma mère veillait sur moi comme un ange 


J'ai une certitude et il y en a peu dans mon histoire 

Ma mère est tombée enceinte d'un gitan de passage dans le village lors de la fête foraine estivale

Je l'ai su à l'âge de 7 ans environ par hasard

Le gitan ayant décampé le lendemain 

Pour ma mère il ne faisait nul doute qu'il ne reviendrait plus

Quoique l'été dernier, donc 67 ans après ma conception pas très immaculée 

J'avais lu dans un minuscule carnet daté des années 70s

Que le type en question lui avait promis de revenir la chercher 

Ma mère l'avait attendu sans trop y croire 


Puis ses règles s'étaient arrêtées en août 

C'était angoissant pour ma mère car être "fille-mère" était considéré comme la honte totale pour la famille 

Et offrait peu de perspectives de réjouissance

Ma mère attendit septembre aux vendanges 

Pour se faire une raison 

Pas question pour elle de me "faire sauter"

Bien au contraire, elle mit tout en œuvre pour cacher sa grossesse 

Elle fit tremper comme d'habitude ses serviettes hygiéniques, enfin plutôt des tissus en coton en ajoutant du jus de betterave dans la bassine en fer blanc 

Puis elle commença à déchirer des vieux draps en bandes assez longues pour couvrir son ventre qui s'arrondissait de jour en jour 

Elle ne pouvait porter de gaine bien sûr mais personne ne remarquait 


Les vendanges étaient l'occasion de rigoler avec les cousins et les cousines 

Tout le monde aimait Fanchon 

Elle aimait ces moments légers, les rires, les chansons, l'odeur des grappes de raisin noir mûres et chaudes que les porteurs de hottes déversaient dans le tombereau au bout du rang

Ma mère était de petite taille avec une forte poitrine qui ne laissait pas les hommes indifférents

Elle avait une taille marquée mais là elle réussissait à cacher ses rondeurs naissantes grâce à une blouse tablier en nylon


Au mois d'octobre, elle serrait un peu plus les bandes

Elle commençait à avoir peur des conséquences de son acte

Mais elle était sûre de sa décision 

Elle voulait ce bébé 

Elle avait aimé ce jeune homme qui lui avait fait ce cadeau tombé du ciel

Car il n'y avait pas de quoi se réjouir dans la vie de tous les jours 


Mes grands-parents l'avaient déjà maintes fois conduite au Centre Abbadie à Bordeaux 

Elle y subissait les traitements violents de l'époque d'après-guerre 

Lorsqu'elle revenait à la maison 

La pauvrette perdait son entrain

Les psychiatres disaient qu'ils essayaient de la "stabiliser"

Ils ne parlaient pas de schizophrénie 

Dans la famille ma grand-mère racontait qu'elle avait fait une encéphalite à la suite d'une appendisectomie à 15 ans

Cette histoire semblait contenter la famille 

On n'allait pas chercher plus loin


À la fin de l'automne, maman était fatiguée 

Et une énième hospitalisation révéla les bandes sur son ventre 

Les soignants ont immédiatement prévenu mes grands-parents 

Ceux-ci étaient en sidération complète 

Et lorsque maman était revenue à la maison 

Mon grand-père a sorti la ceinture de son pantalon et l'a battue 

Je suppose qu'elle a protégé son ventre avec ses mains en se recroquevillant dans la position du fœtus 

Ma grand-mère a finalement réussi à le stopper 

Elle hurlait "mais qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu pour mériter ça ?"

Toujours retourner le truc vers elle de manière narcissique 

Elle parlait des aiguilles à tricoter pour m'éliminer 

Mais ma mère avait tenu assez longtemps pour qu'on ne puisse la faire avorter 

On l'a interrogée

Elle a probablement raconté la nuit douce d'un soir d'été où j'ai été conçue 

La seule nuit de sa vie où elle aura connu l'amour !


Je suis née dans sa chambre un 31 mars de l'année 1959

Ma mère a accouché dans des souffrances très longues de plus de 12 heures mais bizarrement n'a pas eu les forceps. Le médecin de campagne a attendu la dilatation idéale pour l'encourager à pousser

Lorsque ma grand-mère m'a vue, elle a poussé un cri en même temps que moi

J'étais recouverte de poils bruns et avait la peau sombre

Ma mère était dans un état délirant mais je ne peux qu'imaginer qu'elle était heureuse de m'avoir portée vers la vie


Incapable de s'occuper de moi

Ma grand-mère me mettait au sein de ma mère les premiers mois

Je crois que ma mère aimait bien cette proximité 

Puis il a fallu qu'elle soit à nouveau hospitalisée après une décompensation massive

Moi, on m'a passée aux biberons de bouillie 

J'ai survécu tant bien que mal auprès de mes grands-parents et de la famille étendue 

On m'appelait la noiraude, la gitanous, la romanichelle !


Lorsque j'avais 4 ans. Mes grands-parents ont organisé un mariage de convenance avec un monsieur bourgeois de Paris qui ne pouvait avoir d'enfants et dont la femme avait divorcé. Je ne me suis pas posé de questions. C'était mon père, voilà tout !


Ma mère a continué de fréquenter le Centre Abbadie à Bordeaux puis Garderose à Libourne.


Je vous raconterai la suite une autre fois.


Maman, en écrivant ces quelques mots, je hoquette de chagrin.

Je ressens ta souffrance 

Mais je sens surtout ta détermination à me faire vivre

La raison en est peut-être tout simplement l'attachement profond d'une mère à son bébé durant 9 mois

L'autre raison est peut-être à chercher du côté du témoignage 

Et de ma décision en 2018 de parler sans tabous de maladies mentales !


Tout ce que j'accomplis maman, je le fais en pensant à toi 

Non tu n'as pas souffert pour rien

Tu existes tant que Millie continuera de se battre pour toi à travers sa chaîne Youtube et ses livres !


Repose en paix ma chère maman ❤️


Marie Agnès


#schizophrénie #amourdunemère



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